Antoine Blondin, dont le talent peut indifféremment émécher Un singe en hiver ou venir à bout de cinq cent vingt-quatre chroniques pour le compte de L’Équipe (consignées dans les magnifiques Tours de France), a accompagné le photographe Daniel Nouraud dans un voyage poétique au cœur du peloton dans les colonnes du magazine Zoom durant l’été 1981. Un aparté lyrique et magistral, dédié à la passion cycliste :

La ballade débarque en Homérique

Etoile de la mer, voici la lourde nappe
Et la profonde foule et l’océan d’acier
Et l’émouvante houle aux torses des coursiers,
Peloton resserré, essaim, ultime grappe,
Voici notre vendange à la dernière étape.

Et voici notre croix sur cette immense plaine :
L’absence des absents, l’équipe dépeuplée,
Voici le long de nous un océan de plaies,
L’emplâtre et la charpie affleurant sous la laine,
Voici l’espoir vaincu et la souffrance vaine.

Fleur de ce fleuve élu entre ses rives blondes,
C’est la gerbe assidue qu’il faut considérer,
Et non le maillot d’or ou le maillot à raies :
La couronne tressée par cette grande ronde
Assembler le dernier et le champion du monde.

Reine des horizons, sur la petite reine
Posez le regard éclair sur votre illustre tour.
Cette flèche allongée aujourd’hui c’est le Tour.
Cathédrale du sol, vase ardent, coupe pleine.
Voici le chapelier d’honneur, après la peine.

Mère, dressée là-bas, tendez un même bras
A celui qui se taille un Etat dans l’étape,
Comme à celui qu’un sort inexorable frappe.

Quand ils auront joué leurs derniers personnages,
Quand ils auront posé casquettes et maillots,
Quand ils auront jeté musettes et boyaux,
Quand ils raccrocheront à la fleur de leur âge,
Veuillez vous rappeler leur long pèlerinage.