À peine remis de son périple sur l’exigeant Desertus Bikus, Nicolas Fritsch a remis sa machine en route pour partir en (re)connaissance aux confins de la Bretagne, lieu de départ de la Born To Ride à laquelle il participera en juin 2023. Une occasion rare de goûter aux reliefs inattendus de la Breizh et aux bières fraîches de chez ses amis du BZZZT Café, dans le lointain Finistère.

La Rochelle – Quistinic

Je reviens de congés. J’arpente les couloirs silencieux du bâtiment. Les bureaux sont vides, la moitié des collègues préfèrent le mois d’août pour la pause estivale. Je fais le point et décide rapidement d’aller visiter des amis bretons dans le Morbihan et le Finistère Nord. Voir également ce que la Bretagne me réserve pour la Born To Ride 2023 qui partira de Saint Malo.

Il semble que l’été a épuisé ses épisodes caniculaires comme une mauvaise série catastrophe. Il y a toujours une saison dans une saison alors j’entreprends mon périple à 4h du matin accompagné par la fraîcheur qu’un orage nocturne aura bien voulu déversée sur le littoral charentais et les marais vendéens. La Rochelle dort. Je savoure. L’aube grincheuse et timorée éclaire ces routes inconnues sur lesquelles je ne suis jamais venu. Toujours plus attiré par les paysages et les cultures du sud, j’en ai oublié les curiosités naturelles à peine dissimulées des innombrables forêts de ce quart nord-ouest de la France.

Après le pont du Brault sous lequel coule la Sèvre Niortaise, je bifurque sur des chemins à peine roulant en crête de levée de terre qui forment les protections contre les submersions marines. Je contourne la Baie de l’Aiguillon par des pistes « crossables » et non cyclables, au sens de la pratique du vélo de route. La pratique du vélo en France et les infrastructures adéquates pensées par les services publics sont souvent élaborées pour le vélo-tourisme. [À l’image d’une société qui fait plus de place aux SUV et la multiplication de leurs options électroniques, alors qu’elle en concède de moins en moins aux véhicules légers, discrets basés sur la mécanique de l’effort, de la décision personnelle, de la concentration, de la sobriété énergétique.] 

  • © Nicolas Fritsch

Pour la traversée de l’ouest du Parc Naturel régional du Marais Poitevin, pas de grandes surprises, c’est une plaine d’Aunis, plus verte et gentiment vallonnée. Je découvre la magnifique petite commune d’Apremont où coule la Vie à ses pieds… Premier dénivelé inattendu vers un château sur son promontoire rocheux. S’ensuivent de longues et ennuyeuses lignes droites vers Challans. Rouler un dimanche offre l’avantage de profiter des petites départementales sans être constamment dépasser par des automobilistes… Jusqu’à la Loire, la platitude relative du relief ne semble pas être la difficulté puis au pont de Saint Nazaire, je peux à nouveau changer de plateau.

Le point de vue industriel du port est voilé par des nappes de brouillards et de crachin mélangées. Rien de bien solaire. Je me réconforte d’un franc sourire envoyé par une cycliste au vélo chargé qui, de l’autre côté de la voie, pédale allègrement dans la montée. Elle est facile et je suis lancé dans la descente à la même vitesse que les voitures. La rencontre n’aura pas lieu. Je m’engage dans le Parc Naturel Régional de Brière… Je pense à déjeuner mais ne m’attends pas à crever mon pneu arrière au moment le moins propice aux réparations : l’arrivée d’une averse. Les arbres font de l’ombre mais en aucun cas de bons parapluies. Les mains sales juste rincées par l’eau de pluie, je plonge mes doigts dans un petit sachet de fruits secs mélangés à quelques graines ramollies. Le dimanche, il y a des contrées reculées où trouver un casse-croûte relève du miracle. La saison apporte ses fruits que même un modeste cueilleur doit savoir repérer. Les mûres, ce n’est pas compliqué ! 

  • © Nicolas Fritsch

A l’inverse, les lieux de restauration pratique tournent à plein régime sur une bande littorale où badent ceux qui n’en font jamais… Le tourisme de masse que j’évite volontairement, je ne fais pas le poids. J’arrive au barrage d’Arzal Camoël, je sens que l’ambiance change. La météo, c’est sûr. L’estuaire de La Vilaine porte bien son nom à ce moment précis. Je commence à sentir les 250 km parcourus, je balaye de mes pensées les 70 prochains alors qu’une ondée orageuse s’intensifie. J’enfile in extremis l’imperméable, la tête est au sec, pas les pieds. Muzillac, le temps se gâte. Les averses se succèdent… C’est la première semaine de pluie depuis des mois sur cette façade atlantique. Comment se dire que la France pourrait devenir une terre rocailleuse, la végétation brûlée par un soleil de feu ? Notre terroir devenu un séchoir. Nos vignobles devenus ignobles. Nos grands crus, des crues.

Je voulais bien faire les choses et emprunter une piste cyclable « conseillée » pour éviter les grands axes de Vannes mais une fois encore, c’est une mauvaise initiative. Je me perds dans un labyrinthe dédié aux chemins partagés entre promeneurs encapuchés et pratiquants du vélo dominical avec paniers pique-nique ou porte-chien. Ce monde de bienveillance qu’il est beau ! Enfin, Pont Augan, c’est fait. Cette première étape de 320 km est bouclée. J’inhale un peu de fraîcheur du Blavet qui coule sous mes pieds, les muscles meurtris. Mes amis m’attendent, le gîte est proche.