GravelMan Series Pays Basque 2021 : Day #1
De guerre lasse, mal nommée, trois gaillards désaccordés se sont engagés pour découvrir la nouvelle trace, dans sa version routière, de l’édition basque des GravelMan Series inventée par Stéven Le Hyaric. L’union aventureuse de l’esprit du pédaleur enchaîné à sa machine de salon suivi par l’esprit du frondeur s’enivrant de rondes de quartiers abêtissantes, observés tous deux par l’esprit rechignant au moindre effort physique. Trois « GravillonMen » pour 330 kilomètres à parcourir en 50 heures dans un Pays Basque plus vert et plus vertical que jamais. Une douleur sortie de l’hiver a contraint, à quelques semaines du départ, un membre du groupe à déclarer forfait. La mort dans l’âme, nous restons donc deux à devoir nous épauler sur les routes pentues de ces contrées isolées.
6h30. Départ des hauteurs de Saint-Pée-sur-Nivelle, un wagon d’une trentaine de vélos s’élance dans la descente, pour le plaisir matinal de tous. C’est une longue guirlande de lumières blanches et rouges qui clignote sur quelques kilomètres. Un défilé sans fanfare, les troupes sont froides et la vaillance est encore en sommeil. Cette partie du Labourd n’est pas piégeuse, c’est une prime mise en bouche qui se nomme le col de Saint-Ignace. Les pneus sont tièdes, les yeux plus ouverts, l’attention grandit. Je reconnais la route déjà empruntée au cours de notre traversée des Pyrénées en 2017.
Nous traversons la frontière franco-espagnole à Dantxaria, un lieu-dit de « ventas » où les produits à bas coûts règnent en maîtres. Les commerçants dorment, la vie passe. Surveillés par des nuages menaçants, nous entamons quelques virages avec prudence. Les sous-bois encore humides des pluies du printemps révèlent des traces de mousse, plaques de résistance à l’été, des patinoires surprises. Les sens se mettent en alerte dans l’ascension du Puerto Otsondo qui propose le premier des dénivelés à 10 %.
Cette rapide incursion sur le sol ibérique se termine au col d’Ispegi à 690 mètres d’altitude. Un café, un paquet de « patatas fritas » et nous filons, confiants, vers Saint-Étienne-de-Baïgorry. Au kilomètre 64, nous faisons l’erreur de ne pas nous ravitailler à Saint-Jean-Pied-de-Port, nous allons le payer bien plus loin. À l’étude préalable et nécessaire du tracé proposé, nous avions noté que de sérieuses difficultés commençaient à l’approche d’Arnéguy. C’est peu dire, des murs de 20 à 25 % se dressent devant nos roues. Cabrés sur le guidon, en danseuse, haletant silencieusement à chaque coup de pédale, la roue arrière patinant parfois. Les pieds bloqués dans les cales automatiques, il ne faut pas perdre la cadence pour préserver l’équilibre. Sinon, c’est la chute.
Jamais vu, jamais fait… et ils appellent cette région la Basse-Navarre ?!
La journée avance plus vite que notre progression. Et comme si cela ne suffisait pas, le revêtement est parti en lambeaux sur quelques six kilomètres d’ascension. Nous avançons avec nos pneus de 25 mm en évitant les cailloux les plus gros. J’ai l’impression de rouler sur une route du littoral recouverte d’un tapis de galets qu’une tempête hivernale aurait malicieusement étalé. Les crêtes se drapent de nuages gonflés d’humidité mais il ne pleut pas. Les fougères vives disparaissent, les arbres touffus se raréfient, une prairie rase parsemée d’imposants rocs dissimule quelques troupeaux de brebis imperturbables.
Nous fendons le silence des hauteurs sans nous retourner. Pas un mot.
Le soleil réapparait, illumine à nouveau les gorges encaissées. Par endroits, la nature semble inventer une jungle basco-antillaise ornée d’une végétation libre et parfumée. La beauté des lieux nous invite surtout à faire des pauses salvatrices. Le répit est de courte durée car de déjeuner nous nous sommes abstenus ce midi. Le lien affectif entre notre estomac et notre cerveau devient conflictuel. Trouver pitance devient nécessaire et nous dénichons une auberge où l’omelette aux cèpes, ingurgitée, n’aura pas eu le temps de perdre un degré de cuisson entre la cuisine et notre bouche. Le sauvage sommeille en nous mais c’est le sommeil qui aura raison de nos frêles carcasses, arrivées enfin au col de Bagargi.
Les chalets d’Iraty seront notre lit douillet pour, peut-être, effacer la fatigue des 4000 mètres de dénivelé que nous venons d’encaisser en cette première journée de raid à vélo.
Les partenaires de ce périple en Euskal Herria : Ravito I Origine Cycles