Il déserte est le premier roman de Régis Maynard. L’histoire d’un trentenaire qui renonce soudainement à l’existence morne dans laquelle le destin l’a plongé. Ilian Marcel Durantet vit dans une zone pavillonnaire. Il travaille pour la famille Lefringant, enfermé dans la guérite de gardien de l’usine que son père fréquente depuis plus de trente ans. Il est au bout. « Il » décide de fuir.

Il part, laissant la maudite cité de Lanclume derrière lui, et rencontre René Platot au détour d’un chemin. Le vieil illuminé vit et se déplace au rythme des grands tours et à la saison des critériums. Il a accumulé au cours des années un monceau d’objets et souvenirs cyclistes qu’il exhibe dans la 305 break blanche qui lui sert d’habitat de fortune et d’errance.

Il déserte, entraîné dans l’élan de René Platot, croise la course effrénée de Thévenon, gloire locale et décriée arborant le maillot de l’équipe Dugazic. Le trio se lance dans un périple qui les mène dans les rayons du supermarché Toucontan, qu’ils occupent clandestinement pendant plusieurs jours. Pour mieux repartir, semer le trouble et le doute.

Un voyage au gré des rencontres et des disparitions. Une incartade dans les contours du cyclisme. Une aventure solitaire, en tête du peloton de la vie.

Extrait :

Il : « Je fermais la porte d’entrée. Je n’avais pas encore rangé le petit trousseau de clés du pavillon familial au fond de la poche gauche de mon jean comme je le faisais tous les jours depuis le cours préparatoire. Ça tombait bien. Tout le rock’n’roll qu’il me restait s’empara de mon bras gauche et envoya valdinguer bien loin ledit trousseau. On était lundi. je prenais la tangente : Il déserte. »

René Platot : « Trente-deux ans que je les suis. D’abord les étés. Tous mes congés payés sur trois semaines de Tour. Pas un prologue de raté, pas un col escamoté, toutes les arrivées d’étape. Et puis à la retraite, j’ai pris la route avec ma bagnole. C’est ma baraque si tu veux. Je lui en fais voir. Le Giro, la Vuelta, le Paris-Nice, le Grand Prix de Vougy… J’en rate pas une. »

René Platot : « Au début le vélo, c’était uniquement pour la caravane publicitaire. J’arrivais cinq, six heures avant la course et je profitais des manèges. Quand la grosse boîte de Banania a débarqué sur le Tour de France, j’étais hypnotisé et il n’y avait pas que moi. Cette grosse face de nègre à chapeau turc, souriant sur fond jaune, s’est gravée dans nos têtes. Merckx, son seul vrai rival c’était le bonhomme Banania. Des hôtesses belles comme Jacqueline Joubert nous ont donné des porte-clés et ce jour-là, j’ai juré fidélité à la course cycliste. »

Il déserte, Régis Maynard, La Sixième Heure, 2010

Régis Maynard, co-fondateur du Babylon Circus dans les années 90, est aujourd’hui acteur de théâtre et de cinéma, et metteur en scène. Il s’adonne à l’écriture depuis de nombreuses années, auteur pour des artistes de la scène française et pour le théâtre.