Au début du 20e siècle, à l’heure où la pratique de la bicyclette tente d’émerger sur des artères malmenées par les véhicules hippomobiles et les primes automobiles, les passants restent interloqués par les prouesses des précurseurs domptant leur « petite reine ». Edmondo De Amicis compte parmi ces admirateurs curieux et fascinés. Dans un essai intitulé La Tentazione della bicicletta, datant de 1906, il décrit  les sentiments mêlés qui s’emparent de lui en présence d’un vélo. L’envie et la défiance tour à tour. Et la tentation toujours. Vade retro biciclettas !

Extraits :

« Et chaque fois que, sans être vu, je pouvais examiner à mon aise une bicyclette appuyée contre un mur, j’en étais attiré comme par un fruit défendu, je me sentais obligé de la saisir, de la tâter, de la redresser et de la déplacer, de lui demander comme à une forme dotée de sens et de conscience s’il était vraiment vrai qu’elle avait la vertu de rendre à la maturité quelques instants de jeunesse, de dissoudre dans l’air les mélancolies qui sautaient sur son dos, de ramener son cavalier à la maison le sang et l’esprit revigorés; et les éclairs que m’envoyait sa fine membrure d’acier me paraissaient des regards d’assentiment, des sourires prometteurs, des œillades d’incitation amoureuse : une invitation à tenter l’aventure. […]

Sautez en selle l’esprit résolu. : vous connaîtrez les difficultés de l’apprentissage, vous ramasserez des bûches et ferez rire le commun des mortels;  mais vous échapperez à dix ans de tentations et de regrets… […] »

La tentation de la bicyclette (La Tentazione della bicicletta – 1906), Edmondo De Amicis, traduit par Olivier Favier, Éditions du Sonneur, 2009

> Edmondo De Amicis, né le 21 octobre 1846 à Oneglia, est un écrivain italien, auteur en particulier de l’œuvre de littérature jeunesse Le Livre-Cœur (Cuore) publiée en 1886 et traduite en plus de 200 langues. Témoin de son temps et des changements qui affectent une Europe en pleine recomposition et industrialisation au début du 20e siècle, il en vient naturellement à s’intéresser, dans un essai, à cette bicyclette qui fascine toute la société.