Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».

Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine Cycle! dans sa déclinaison hiver 2022.

Michel Dalloni, que la magie de Noël semble inspirer prématurément, nous raconte la belle histoire de Pierre Matignon, coureur modeste tant en selle que dans la vie, qui a réalisé l’exploit de remporter une victoire sur une étape dantesque sur le Tour de France 1969. Une 20e étape qu’il a gagné alors qu’il occupait, en ce 18 juillet 1969, la place de lanterne rouge et qu’un cannibale en devenir, Eddy Merckx, s’était lancé à sa poursuite sur les pentes du puy de Dôme.

À Brive (Corrèze), l’humeur n’est pas très gaillarde, ce matin-là. Le nez dans leur bol de petit-déjeuner, alignés à la table d’un hôtel incertain, au large de Saint-Pantaléon-de-Larche, les huit survivants de l’équipe Frimatic-Viva en avaient un peu plein les bottes. Le reste du peloton aussi. Car le 56e Tour de France, écrasé par la chaleur (25° C à l’ombre), par la distance (4117 km) et par Eddy Merckx, qui faisait ses débuts remarqués dans le cannibalisme (six étapes, maillot jaune et tous les classements sauf celui des Points chauds), n’en finissait pas. Et voilà qu’aujourd’hui, vendredi 18 juillet 1969, il fallait se farcir le puy de Dôme (1415 m). Pour ne rien gâter, c’est là-haut que serait jugée l’arrivée de la 20e étape. Manquait plus que ça. M’enfin, dans quarante-huit heures, on serait rendu à Paris. Ce n’était pas trop tôt ! Pour certains, ça risquait même d’être trop tard.

Dans la formation commanditée par les réfrigérateurs Frimatic et les machines à laver Viva, l’idée de se faire essorer jetait comme un froid. Les deux victoires signées par Joachim Agostinho (5e et 14e étape) pour sa première Grande boucle ne suffisaient pas à rassurer le directeur sportif Jean Prosper Laurent Simon de Gribaldy, par ailleurs vicomte, sur la vaillance de son commando électroménager. À vrai dire, on n’en menait pas large. On avait perdu Jean Jourden et Willy Plankaert sur les pentes du Ballon d’Alsace. On trouvait que Paul Gutty tardait à exprimer ses dons de pur grimpeur. On s’inquiétait pour le néophyte Pierre Matignon, qui, depuis cinq jours, trimballait la lanterne rouge, rapport à une pénalité de quinze minutes infligée pour absorption illégale de deux comprimés de Corydrane (98,56 % aspirine, 1,44 % amphétamine, 100 % dynamite).

La suite de ce texte « Pierre Matignon – L’inconnu du puy de Dôme », écrit par Michel Dalloni, dans le numéro 20 de Cycle !.