Victor, Juliette, la tendresse et les Pyrénées © DR
Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».
Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine Traverse dans sa déclinaison automne 2024.
Le magazine Traverse est le nouveau support édité par les éditions Foutrement Large qui publient depuis 10 ans le fameux 200 consacré aux plus belles aventures à vélo. Dédié au [slow] tourisme au guidon, ce magazine permet de découvrir des territoires, en France et en Europe, qui s’ouvrent à la curiosité des voyageurs à vélo et offrent une richesse géographique, historique et culturelle particulière. Chaque numéro met en avant des régions, leurs véloroutes et autres voies cyclables.
Dans son premier numéro, en kiosque en septembre 2024, Traverse laisse une belle place à l’illustration tant sur la couverture signée Céline Dayes qu’en accompagnement de l’article du dessinateur Tazab qui a suivi la trace du voyage effectué par Victor Hugo dans les Pyrénées en 1843.
Victor a mal aux fesses. Le postérieur du célèbre écrivain est cuisant comme un steak à force d’être tanné, rossé, cabossé, fouetté, anéanti, pulvérisé par la raideur de cette maudite banquette de la malle-poste Dotézac qui l’emmène cahin-caha à travers les Landes en direction des Pyrénées.
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JUILLET 2022, SUR LA ROUTE DE SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
Nous atteignons peu après le col d’Ibañeta. Un cycliste qui traîne là propose de nous immortaliser devant le panneau constellé d’autocollants, ce à quoi nous nous plions avec une fierté de coqs — nouvelle occasion pour moi de vérifier qu’un cuissard n’est pas prévu pour la station debout, avec sa façade colorée et ses poutres apparentes, ce vêtement est un véritable attentat à la pudeur. Nous remercions chaleureusement notre collègue aux couleurs chatoyantes, un Basque court, un Ara d’Iraty au plumage bigarré employant ses dimanches à voler de col en col, avec qui nous causons un moment dénivelé et géographie. Puis nous enfourchons à nouveau les machines pour nous laisser glisser de l’autre côté, en Navarre française, je dirais même plus : en Haute-Soule, contrée farouche ! La vallée ressemble à un immense chaudron fumant dégueulant des nuages bas, un milan enserrant une couleuvre convulsive fait tourner son ombre inquiétante au-dessus de tout ça, j’en ai des frissons qui remontent jusqu’au cou.
Longtemps, très longtemps, le vent nous siffle aux oreilles, les virages nous ballottent de gauche à droite dans une danse qui ne tient qu’à l’adhésion centrifuge de quelques centimètres carrés de gomme sur l’asphalte ; aux prairies succèdent les arbres filants, les marcheurs harassés et les cyclistes ascendants clignent des yeux en nous voyant fuser vers notre destinée : un quart de fromage d’Iraty et une bière à Saint-Jean-Pied-de-Port.
La suite de ce texte « Victor, Juliette, la tendresse et les Pyrénées », écrit par Tazab, dans le numéro #1 de Traverse.