Au matin du troisième jour, le ciel est clair sur les Pyrénées. L’ambiance est pourtant sombre au petit-déjeuner. Dans cette salle d’hôtel hors d’âge, notre camarade vient de nous annoncer son abandon. Une mauvaise nuit est venue se rajouter à la fatigue et à la douleur. Il nous quitte, la mort dans l’âme, sans avoir pu s’attaquer au Tourmalet, le fameux « géant » qui nous attend.

Over the crests

Le goût est amer alors que notre peloton vient de mincir de nouveau et que nous nous apprêtons à vivre une des plus belles journées de notre voyage. Après une première défection la semaine précédant notre départ, le renoncement du matin jette un froid sur le groupe. Il faut pourtant se défaire des nouvelles difficultés du jour. Finir cette aventure pour nous, pour nos amis laissés en route et pour tous ceux qui semblent nous porter vers les sommets.

Over the crests

Le Tourmalet est terrain de connaissance. Il impressionne pourtant toujours. Col à découvert, il nous expose au soleil écrasant de cette première journée de grand beau. Les kilomètres défilent peu à peu et les pourcentages augmentent continuellement. Le groupe se disperse. Tous les pelotons rencontrés en chemin se disloquent. Alors que le sommet semble ne jamais devoir arriver, nous doublons quelques âmes en peine, chancelant et zigzaguant sur la route. Les Pyrénées rendent leur verdict.

Over the crests

Mais bientôt, au détour de ces derniers lacets abruptes, le géant apparaît. Octave Lapize, plus cérémonieux que jamais, nous fait face, dressé sur son vélo. Le métal de son enveloppe est étincelant. Est-ce son reflet éblouissant ou quelques émotions glanées en chemin qui font venir ces larmes au coin de nos yeux ?

Over the crests

L’agitation règne au sommet. Des grappes de cyclistes surgissent des deux faces du col et se rassemblent bruyamment au pied de la statue du héros du Tour. Le calme de l’ascension est déjà un souvenir lointain. Des dizaines de kilomètres à sentir nos souffles manquer et nos pneus s’agripper au bitume, à entendre mon compagnon de souffrance, tout de jaune vêtu, haleter.

Over the crests

Malgré les palabres et les cris de joie, une sorte de plénitude semble nous envelopper. Le sentiment d’un certain devoir accompli. Si près du ciel, nos esprits semblent s’ouvrir vers des mondes lointains. Nos cœurs semblent battre plus fort au contact des présences insondables qui nous entourent soudain. Amis, amours, emmerdes, êtes-vous là ?

Over the crests

Il faut pourtant redescendre. Ne pas nous laisser griser par cet appel étrange. Ce chant de sirènes qui n’ont rien à faire à cette altitude. Il faut reprendre la route et se concentrer sur les prochains reliefs, saluant au passage le souvenir d’Eugène Christophe, gloire de la Grande Boucle brandissant sa fourche ramenée à la vie. Présent sur tous les terrains, notre peloton a choisi de rallier l’arrivée par deux chemins différents. Tandis que certains restent dans les traces en gravissant le col d’Aspin, d’autres, sur le bon conseil du local de l’étape de notre troupe, contournent le lac de Payolle par le col de la Hourquette. Une promesse d’herbes plus vertes et de vues splendides.

Over the crests

Sportivement moins renommé que son illustre voisin Aspin, le col de la Hourquette se révèle une splendeur. Un calme dans la tempête du jour. Un ruban de route serpentant dans les arbres. Invitant à s’arrêter, à se prélasser. Une invitation à laquelle nous répondons sans hésitation. Avant d’envisager la suite…

Over the crestsArgelès-Gazost – Arreau (88 km – 2465 m D+) ⎥ Col du Tourmalet ⎥ Col de la Hourquette
En images sur Flickr ⎥ En reliefs sur Relive ⎥ En chiffres sur Strava

Les partenaires de cette chevauchée fantastique : Louison Bobet⎥ CMT BikesMaillot Distinctif