Tout n’est finalement qu’une histoire de cycle. De rotation de pédalier lorsqu’il s’agit de mettre un vélo en mouvement. D’usage du loufoque lorsqu’il s’agit de mettre le cycliste en scène. Plusieurs réalisateurs de cinéma, à quelques décennies d’intervalle, nous ont gratifié d’œuvres décalées qui placent l’homme roulant en tête d’affiche. C’est évidemment le cas de Jacques Tati qui campe le rôle d’un facteur François rivalisant de prouesses au guidon de sa bicyclette durant tout un Jour de fête ou d’un [Mon] oncle qui se fraie un chemin aux commandes de son VéloSoleX parmi la — déjà ! — très hostile circulation automobile.

Le loufoque confine à l’absurde dans l’extraordinaire Parpaillon réalisé par Luc Moullet en 1992. Ce film unique raconte l’ascension du col alpin éponyme, aussi rocailleux et que vertigineux, entreprise par des centaines de grimpeurs aux intentions diverses. Un récit exploratoire et absurde dont Luc Moullet reprendra les grands principes dans Les naufragés de la D17, en 2002, qui met cette fois aux prises des pilotes de rallye auto et l’âpre montagne.

Yann Le Quellec a rejoint ce peloton filmographique en 2014 avec Le quepa sur la vilni ! Présentée à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes et récompensée du Prix Jean Vigo du court métrage en 2013, cette production réunit une distribution improbable. Christophe, délaissant le micro pour jouer le rôle d’un excentrique maire de village, Bernard Ménez, que l’on retrouve dans un registre proche de ses prestations sous la réalisation de Jacques Rozier — comme dans l’indescriptible Du côté d’Orouët — et l’inattendu Bernard Hinault.

Le « Blaireau », fantomatique, apparaît à plusieurs reprises dans cette création de quelques 36 minutes. Il arbore son maillot jaune, joue de la pompe à pied et déclame des répliques qui collent immédiatement au tympan du cycliste. « Pour voir la vie en jaune, il ne faut pas rester la tête dans le guidon » ou « Réveille le Blaireau qui sommeille en toi pour devenir ton propre Bernard Hinault ».  Des phrases qui sonnent comme des prophéties. Les mots d’une vaste et réjouissante farce, portée à l’écran pour divertir le peuple et honorer le champion.