Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».

Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine 200 dans sa déclinaison d’hiver 2020.

Les vélos de cette nouvelle génération dédiée à la caillasse et au portage sont de véritables bêtes de somme. Des engins capables de transporter armes et bagages. Des véhicules terrestres qui peuvent se muer en objets flottants le temps d’une expédition de bike-rafting. C’est ce que Jérôme Puiseux raconte au terme du périple qu’il a réalisé sur l’Hérault avec ses compagnons et leurs radeaux de fortune.

« Ouesterne
Nous posons nos pagaies en travers, le dos calé contre les boudins gonflables du bateau. Le courant nous porte, et c’est lui qui décide. Nous sommes très loin de la ville, très près de Fenimore Cooper et Jack London. Après trois heures et une quinzaine de kilomètres, un lit de sable un peu vaseux devient notre mouillage, juste après les belles arches du pont de Saint-Étienne d’Issensac.
On tire les bateaux sur l’herbe, monte les tentes, avec le sentiment joyeux d’être en expédition — et mieux encore, clandestine. Surgit un feu de camp. Passe un pack de bières qui nageait par là, on le hèle. On est en enfance, et c’est bien. Le bois flotté de septembre a séché un peu. Il crépite et ronfle, et sèche nos vestes tendues sur des bâtons.
Au petit matin, faire disparaître les bateaux, tout replier, tous sangler de nouveau. On se sent un peu prestidigitateur, qui fait surgir l’aventure du fond d’un sac ou l’y enfouit, et c’est un sentiment merveilleux. Comme le gravel, comme le pignon fixe peut-être, le bike-rafting dilate le temps et les distances. Il vous fait ralentir, lire autrement le paysage. »

La suite de ce texte « L’étoffe de l’Hérault », écrit par Jérôme Puiseux, dans le numéro 27 de 200.