Comme si la montée d’un géant ne suffisait pas au programme des célébrations des 10 ans de gravillon.net, un chauve est venu ponctuer l’Ascension.
Quelques années après un premier élan routier, l’envie d’une expédition gravel s’est faite plus pressante, l’aventure tentant un novice en quête de firmament cycliste et d’émotions rocailleuses.
Le terme de « rookie » n’est pas usurpé pour qualifier un pratiquant s’alignant au pied du mont Ventoux, à Bédoin, avec un vélo totalisant une trentaine de kilomètres d’entraînement d’une platitude confondante.
Un terme venant également saluer la rencontre avec les Rookies, camarades émérites du cycle connecté, ayant choisi le même week-end pour lancer leurs troupes nombreuses à l’assaut du géant de Provence. Quant aux » ventoutistes « …
Le parcours démarre en troupeau, la file débutant dès la sortie de Bédoin. Il faut se défaire des premiers kilomètres du col et passer le virage de Saint-Estève avant de parvenir, quelques encablures plus haut, à la jonction qui mène dans le gravier.
Et laisser les souffles coupés et montures martyrisées accomplir leur besogne sur le bitume. Derrière une barrière, barrant la route avec autorité, débute la douce montée par les chemins de traverse.
Ayant laissé quelques bribes de crampons sur les premiers arpents asphaltés, mon « rookie » n’est que vaillance à l’entrée de cette forêt soudain dépourvue d’invective et d’acharnement. À l’instar du parcours que les routiers empruntent, la première partie est abritée par les hauts résineux.
Si la température n’est pas à la hauteur de nos espérances provençales, cette protection tant majestueuse que verdoyante vient protéger des rafales qui seraient tentées de nous inquiéter dès l’entame. L’allure est modeste, un profond respect étant dû à cette montagne sacrée.
Peu à peu, la végétation s’écarte, laissant place à ces fameuses étendues rocailleuses, désertiques et entêtantes.
Le panorama devient grandiose et écrase les rouleurs de sa supériorité. Mon « rookie » devient lilliputien au pied du géant. Un lilliputien qui s’apprête à rejoindre une colonne de fourmis.
Car, à l’instant de retrouver la route, quelques centaines de mètres au-dessus du fameux chalet Reynard, l’ambiance change subitement. La quiétude de la trace gravel laisse place à la frénésie d’un parcours mondialement connu. Il faudrait presque une file d’insertion pour se frayer une place sur cette autoroute.
De lycra gainés, ils apparaissent, leurs regards figés sur la ligne peinte sur la pente. Ils lèvent les yeux par intermittence pour sourire aux photographes professionnels, photomatons humanoïdes du Ventoux, qui proposent leurs clichés à la volée.
Ils prennent garde de ne pas s’écarter de leur trajectoire et de ne pas interférer dans la file des motos, camping-cars, bus et amateurs de rallye qui aiment rappeler que ce site est également leur terrain de jeu.
Rares sont ceux qui attardent encore leur attention sur la tombe de Tom Simpson, qui peine désormais à profiter de la vue. Les tempêtes sont dans le col et dans les têtes.
Quelques sourires viennent heureusement pointer le bout de leurs lèvres. Et de belles rencontres émaillent ces heures passées au guidon.
Mais voici que, écartant la foule et le brouillard sur son passage, mon « rookie » parvient au sommet. Une performance formidable accomplie, nous le saurons quelques heures plus tard, au prix du sacrifice d’un dos et d’un genou élevés au rang de martyrs.
Un peu interloqué par la foule rassemblée en ces lieux, il se fraye un chemin parmi l’agitation pour se poster au pied du panneau « sommet du Ventoux – Alt. 1910 m », dont il ne remarque pas la brillance inhabituelle. Une autre victoire est venu émailler ce jour. Mais le Ventoux paie décidément un lourd tribut. Un amateur amoral a scalpé le mont chauve et emporté — suprême sacrilège ! — le panneau original bardé des autocollants venus du monde entier qui le rendait si unique.
Merci à Topo Designs [Wigwam Store] pour le soutien logistique, à Pista Café pour la trace et la bière de qualité, et au Clos Marceau pour le réconfort de son hébergement.
Gravillon à 10 ans. Et de plus en plus de dents. #gravillon10th