Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».

Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine Pédale ! dans sa déclinaison été 2019.

Si le Tour de France ne fait plus véritablement le tour de la France, le peloton doit, pour sa part, se soumettre à la l’omniprésence des giratoires et faire le tour des ronds-points de France. Benjamin Carle raconte cette France périphérique dans laquelle se dressent zones pavillonnaires et centres commerciaux et trônent en maîtres les giratoires.

« Le Tour de la France périphérique
Ces difficultés des organisateurs racontent la trajectoire d’une France qui, au mitan des années 90, a amorcé une transformation de son territoire dont on commence à mesurer les conséquences pour le Tour de France, mais aussi pour la sociologie et la géographie du pays. Le plus gros poncif associé au Tour de France, c’est qu’il est aussi le tour de LA France. Et ça n’a peut-être jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui. Il est le Tour de cette contrée que l’on appelle depuis quelques mois « la France des ronds-points ». Celle des zones pavillonnaires et des zones commerciales que personne, pendant longtemps, n’a voulu regarder. Y compris le Tour, donc, qui préférait ne filmer que le spectaculaire, le beau, la carte postale. « Le giratoire a été un dispositif prisé dans le cadre de l’émiettement urbain, ces petites grappes d’habitations et de commerces qui entourent chaque bourg. C’est typiquement ce qu’on appelle la France des supermarchés, la France périphérique », explique Éric Alonzo. L’écrivain Aurélien Bellanger, auteur de L’Aménagement du territoire et grand fan de cyclisme, voit lui aussi dans le rond-point un symbole sociologique.  » Pour la France qui n’est pas périphérique, le rond-point est devenu progressivement un marqueur de classe, dit-il. La bourgeoisie se constitue toujours en opposition  et se rassure en se disant qu’elle ne vit pas au milieu de giratoires ni dans ces pavillons qui la « dégoûtent ». Je prends un autre exemple : à une époque, pour cette France-là, servir des verrines était le comble de la ‘beauferie’. Aujourd’hui, c’est le rond-point. »
En novembre 2018, c’est précisément sur le no man’s land de l’îlot central qu’une partie de la France périphérique s’est réunie pour montrer ses difficultés économiques, son mécontentement économique, son mal-être général. Le monde entier, qui a regardé les Gilets Jaunes en se demandant de quoi il s’agissait, pourra rattraper une partie de son retard car été en regardant le Tour à la télévision. Sauf erreur, il y aura 40 giratoire. »

La suite de ce texte « Le théâtre des ronds-points », écrit par Benjamin Carle, dans le numéro 9 de Pédale !.