Il est des époques dont nous conserverons à jamais le souvenir. Des naissances. Des disparitions. Des retours à la liberté. L’aventure vécue par Gravillon en ce mois de mai 2021 entre dans la dernière catégorie. Au terme de plusieurs mois empêchés à l’occasion desquels le groupe s’est résigné à rouler dans son périmètre — les plus confinés renonçant même à l’avancée en pédalant sur un home-trainer — ils se sont retrouvés au pied des Pyrénées, dans l’Ariège. Pour prendre un vrai bain de jouissance.

Certains gardaient un souvenir ému de cette région, après un passage remarqué durant une épique traversée des Pyrénées over the crests entreprise en 2017. Quelques années plus tard, tandis que des décennies semblaient s’être écoulées, ils se sont retrouvés chez Zéro Neuf, superbe adresse cycliste offrant une vue imprenable sur les neiges éternelles. Un lieu dédié à la passion dans lequel le vélo, tel René Vietto, est roi. Il règne en (toile de) maître sur les murs, cadres et maillots s’offrant à la curiosité. Il s’étale dans les pages de la presse cycliste proposée à la lecture. Il transpire des murs de cette bâtisse ancestrale. Il s’offre à la délectation au bar, le soir, au retour des cols.

Les compteurs et segments Strava ne se seront pas affolés. De ce peloton des bords de mer n’émergent que de rares talents grimpeurs. Chacun compose avec ses capacités, son niveau de préparation et un passif qui, parfois, flirte d’avantage avec le ballon ovale qu’avec les tours de manivelle. Parmi cette troupe bigarrée, certains ont su pourtant un jour faire montre d’une endurance hors du commun. Sur des épreuves « ultra » que le calendrier propose aujourd’hui. Ou sur des traversées solo qui continuent de forcer le respect. Dans ces reliefs ariégeois, l’évadé qui retrouve l’air libre n’a fanfaronné à aucun instant. Il a préféré humer, déguster, admirer.

La Rochelle est un port. L’attache de Gravillon. Mais il ne partage aucune valeur avec ceux traversés en chemin. Le col du Port, tout d’abord, qui a immédiatement ébranlé le groupe et lié les langues, malgré les bouches grande ouvertes dans la pente. Aux fanfaronnades de la plaine a succédé le silence. Les maillots Ravito créés pour cette escapade montagneuse, fraîchement déballés, ont rapidement fait connaissance avec les effluves du corps. Des coureurs rapidement séchés malgré la sueur persistante. Dans ces contreforts des Pyrénées, les cervicales se sont évertuées à donner le change, à tenir les têtes hautes, pour la dignité et le spectacle. Le vent, venant se mêler à la dans(eus)e, à la stupéfaction de tous, a rapidement refroidi les esprits. La glace et tous ses saints.

Et telle un vague s’accompagnant d’une réplique plus haute et plus puissante, le Port de Lers a achevé la série. Point de peintures d’encouragement, stigmates d’un quelconque passage du Tour, sur le goudron de sa montée mais un « Non à l’ours » qui sort ses griffes vengeresses. Au fil des kilomètres, les bêtes se mettent à râler, l’écume au coin de la gueule. L’œil hagard effacent les lueurs rieuses oubliées dans la plaine. Le groupe vole en éclat, s’observe à quelques lacets d’intervalle et pointe en rangs dispersés. Le froid inattendu ajoute à la peine. Transis mais déconfinés. Car rien ne saurait faire oublier le bonheur de retrouver un pan de liberté. De rouler au-delà d’accablantes restrictions. De partager des instants perdus de vue avec des amis et d’espérer voir le spectre de l’enfermement s’éloigner à jamais. Des Gravillon(s) rendus au bitume et à la pente. Et leur lot de dérapages.

Les partenaires de ce bain d’Ariège : RavitoZéro NeufStrava