Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».

Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine Cycle ! dans sa déclinaison été 2021.

Michel Dalloni nous fait prendre la roue de René Fallet, le truculent auteur et scénariste dont l’œuvre est régulièrement teintée de vélo. Une passion pour le cyclisme qui l’a incité à créer en 1968, après avoir suivi le Tour de France de l’année précédente, une course dont le règlement très particulier interdisait les échappées, désignait le vainqueur à l’avance et rendait obligatoire les arrêts au bistrot. Cette course baptisée « Les Boucles de la Besbre » a rassemblé au sommet de sa renommée des personnalités comme Michel Audiard ou Jean Carmet, appliquant à la lettre les règles édictées par l’organisateur.

« Selon les historiens amateurs, c’est à la table de l’Hôtel de France, tenu par l’Aimée Gaillard, que les Boucles de la Besbre ont vu le jour. C’était en 1968. Après la révolution. En juillet ou peut-être en août. Entre deux rafales de Ricard. René Fallet l’a confirmé dans Le Vélo (Julliard, 1973), bréviaire à l’usage des adeptes de la petite reine. Chapitre 5, page 92. Il en attribue l’idée à Robert Sausa, son voisin et ami, transporteur routier de métier, comique de vocation, Italien d’origine, « que le pastis avait décidément rendu génial ce soir-là – un soir unique dans sa vie ».
Un campionissimo de l’humour, le « Roro ». « L’homme le plus drôle que jai jamais connu », affirme Agathe Fallet, la veuve de René. Il était aussi grand-croix de l’Ordre de la Fraternité. « Pour lui, la vie, c’était réunir les amis, s’amuser, se déguiser, rire et recommencer le plus vite possible », se souvient sa fille Jacqueline. Un sportif à l’ancienne. Capable de faire 100 kilomètres de vélo par semaine, de se lever à 5 heures pour aligner les abdos tout en continuant à livrer des hectolitres de mazout à des clients frigorifiés, malgré une formation initiale de garçon de café auprès des plus prestigieux débits vichyssois.
Quelques jours après son illumination anisée, le mardi 20 août, à 9 heures, cinq intrépides s’alignent au départ, casquettes molles et pieds en canard. Des pionniers choisis parmi les consommateurs de l’Hôtel de France.
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Les Boucles de la Besbre, c’est la France telle qu’on l’a aimée. Liberté, Gaîté, Amitié. C’est le vélo comme on en a rêvé. Avec le soleil pour témoin et le vent dans le dos. Sur les routes ponctuées d’étangs et de bornes Michelin. Un décor pour calendrier des P&T. C’est le miroir révolu où chaque hameau avait son troquet, d’un esprit farceur qui n’est plus, d’un temps où les copains étaient vivants. Le romancier Gérard Pussey, neveu de René Fallet, gregario dévoué, opine : « Cette époque fut la plus heureuse de nos vies. Tout gazait merveilleusement bien. » Sauf dans les côtes. »

La suite de ce texte « Les Boucles de la Besbre », écrit par Michel Dalloni, dans le numéro 17 de Cycle !.