Bernard Hinault - Le perdant magnifique © Cycle ! magazine
Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».
Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine Cycle ! dans sa déclinaison été 2019.
Je vous parle d’un temps que les (cyclistes de) moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Une époque sans oreillette et sans capteur de puissance. Une fin de siècle laissant encore la place, dans le peloton, aux attaques spontanées et aux mouvements d’humeur. Dans ce nouveau numéro du magazine Cycle !, Philippe Bouvet nous raconte le Tour de France 1986 et le baroud d’honneur de Bernard Hinault, la légende du cyclisme français. Ce 16 juillet, plutôt que de gérer le maillot jaune qu’il arbore fièrement, le « Blaireau » décide d’attaquer dans les cols des Pyrénées. Une échappée tout en panache. Tout en douleur. Sans casque ni lunettes, son visage fait entrevoir une faille. Une défaillance qui va l’empêcher de gagner une sixième Grande Boucle. La fin d’une époque. D’un règne.
« Dans la descente en serpentin d’Aspin, Hinault revient sur Dominique Arnaud échappé depuis le départ et éloigne encore un peu plus le peloton, dont le retard est maintenant proche de trois minutes. Quand se dresse Peyresourde, troisième de la liste des quatre cols, Arnaud ne joue pas dans la même catégorie. « J’étais cramé, mais il portait encore la rage sur son visage » remarqua au passage le regretté coureur landais. Il est l’ultime témoin. À jamais le dernier à avoir vu Hinault devant, en tout cas seul en tête.
C’est vrai pourtant que les traits de Bernard Hinault se sont durcis. Les sourcils sont froncés maintenant. Puis les mains se crispent un peu sur le guidon. Les photos d’époque en témoignent. Dans Peyresourde, Hinault entre dans le dur. Ce n’est pas qu’il manque d’estomac, mais la fringale est là.
Malgré l’appétit dont témoigne son épais palmarès, Bernard Hinault n’était pas forcément ce que l’on appelle un gagneur. Plutôt un cogneur. Il faisait du vélo comme il aurait boxé. « Pour avancer », d’après Guimard, « il fallait toujours qu’il ait un compte à régler. »
Mais dans la montée de Superbagnères, précisément, Hinault n’avance plus. Et ce Don Quichotte, volontiers redresseur de torts, n’a de compte à régler, cette fois, qu’avec lui-même. Aurait-il finalement commis un péché d’orgueil ? »
La suite de ce texte « Hinault – Le perdant magnifique », écrit par Philippe Bouvet, dans le numéro 13 de Cycle !.