Avoir la chance d’accéder au meilleur de la presse cycliste et partager un extrait qui a retenu l’attention : telle est l’intention de cette nouvelle rubrique de Gravillon baptisée « Morceau choisi ».

Nouvel invité de cette série d’articles qui rend hommage à l’écrit, à l’encre et au papier : le magazine 200 dans sa déclinaison hiver 2018.

Tourmiko Tourmanidze, dite Tamara, est géorgienne et vit à Clermont-Ferrand. Elle a croisé le chemin d’Alain Puiseux et de Matthieu Lifschitz, leur donnant envie de « découvrir Géorgie » en compagnie de deux vélos, parmi les montagnes et les nids-de-poule, et dans un froid tantôt enchanteur, tantôt ravageur.

 » Nous l’avons repris le lendemain matin en soufflant sur nos doigts, dans un monde qui se poudrait de sucre glace. Après le lac de Tsalka, un tournant vers le sud, et un col très rond, très doux encore. Se faire gifler par le blizzard n’est pas une punition quand il danse par un grand soleil, et vous emmène à 2000 mètres. Les montagnes sur notre gauche étaient rondes, avec de larges hanches, d’une blancheur parfaite à partir de 1 700 mètres. Une option de parcours, soigneusement établie à Clermont-Ferrand, nous emmenait à 2700 mètres sur des chemins que nous n’aurions jamais trouvés. L’idée d’aller patauger là-haut, de la neige jusqu’aux genoux, nous a fait rire.
Nos avons suivi la même route que la veille, qui longeait une voie ferrée électrifiée toute neuve, belle comme une maquette géante — en deux jours je n’y ai vu passer qu’un train à charbon, vers le col. Elle se glissait comme nous entre des sommets à 3000 mètres, ronds comme des cloches à fromage, des géants bonhommes qui sur notre gauche couraient jusqu’en Arménie.
Il en faut très peu pour rêver, parfois. Emmitouflé dans mon col, les pieds et la bouche gelés, j’ai remâché le mot « Arménie », et « papier d’Arménie » aussi, sans y croire tout à fait. Matthieu avait pris un peu d’avance dans la montée. Le vent qui nous a cueillis en haut semblait venir du pôle. Un deuxième lac au regard mauvais, parcouru de tressaillements moussus. Une deuxième pause au bord du malaise dans une épicerie, à la recherche vaine d’un endroit où nous réchauffer. Des hommes dehors, sur le bord de la route — des hommes et aucune femme. Des sourires pour nous et nos étranges vélos, et quelques encouragements. Nous sommes descendus à Ninotsminsda, où la route fait un coude avant de remonter vers Akhalkalaki, toujours en suivant la voie ferrée.« 

La suite de ce texte « Découvrir Géorgie ! », écrit par Alain Puiseux, dans le numéro 19 de 200.