C’est sur la ligne de départ de l’édition 1957 de Paris-Roubaix, tel que le raconte Antoine Blondin dans la préface de cet ouvrage, que Jean Bobet, le « professeur », s’est vu proposer l’écriture d’un livre consacré à son frère Louison, le champion. Cette année-là, les deux frères arborent ensemble les couleurs de l’équipe Mercier – BP – Hutchinson. Il ne partage pas que cet étendard. Il partage surtout d’uniques instants d’intimité. Une relation qui dure depuis l’enfance, dans leur Bretagne natale de Saint-Méen-le-Grand, et qui perdure au gré de leurs carrières cyclistes. Louison Bobet. Une vélobiographie est le témoignage du plus proche. Du cadet qui a tout vécu au côté d’un aîné de renom. Les affres du quotidien et les turpitudes du peloton. Et qui fait montre, au cours des 220 pages de son récit, d’une passion pour la Chose cycliste et pour ses personnalités (les Gino Bartali, Jean Robic, Ferdinand Kubler, Hugo Koblet, Raphaël Géminiani, Fausto Coppi, Miguel Poblet, Jacques Anquetil et autre Rik van Steenbergen auxquels il consacre portrait). Ponctuant son propos d’un « Allez, Louison ! » qui trahit définitivement l’admiration.

« Se faire le biographe de son frère, enfin, est un principe pour le moins douteux. C’est faire preuve de sadisme que profiter de l’amitié, de l’intimité, des gens pour publier à leur endroit des histoires inédites. C’est aussi, dans le cas qui nous occupe, un danger, car je risquerais de faire œuvre autobiographique. Je ne plaisante pas. Nous sommes Louison et moi, si étroitement liés, que nous partageons réciproquement nos vies. Parfaitement. Il m’arrive d’être obligé de me pincer pour ne pas croire que j’ai gagné le Tour de France ou Paris-Roubaix… Raconter tout cela, ce serait raconter ma vie tant j’y suis mêlé (je ne suis pas responsable).
Et une autobiographie, non !
Je ne me pique pas d’originalité. Seulement je veux m’attacher autant au monde choisi par Louison pour y faire sa vie qu’à Louison lui-même.
En fait j’aimerais décrire le monde du vélo tel que Louison l’a découvert, tel qu’il l’a senti, tel qu’il l’a subi, tel qu’il l’a influencé. Tel qu’il l’aime, en un mot. Je suis persuadé en effet que c’est en analysant cet univers spécialisé et pourtant complexe qu’est le cyclisme que j’aurai un chance de donner une idée des problèmes et des difficultés rencontrés par Louis junior pour devenir Louison Bobet que vous connaissez plus ou moins.
Projeter Louison sur son petit monde, c’est faire l’histoire et l’analyse du cyclisme en même temps que celles des personnages.
C’est écrire une vélobiographie, quoi ! »

> Louison Bobet. Une vélobiographie, Jean Bobet, Gallimard, La Table Ronde, Collection La petite vermillon, 2016 (nouvelle édition)
> Jean Bobet est le frère cadet de Louison Bobet. Coureur cycliste français né en 1930, il est journaliste sportif, collaborateur permanent de l’Équipe jusqu’en 1962, du Miroir du Cyclisme puis du Monde. Il est l’auteur d’ouvrages et de chroniques consacrés au sport cycliste parmi lesquels on compte La course en tête (La Table Ronde, 1966), Lapize. Celui-là était un « as » (La Table Ronde, 2003) ou encore Demain on roule… (La Table Ronde, 2004).