ROULER À PLEIN POU[-POU]MON

C’est la première réflexion qui vient en observant la carte. Ces deux parcs naturels régionaux — Périgord Limousin et Millevaches — ressemblent à des poumons verts, trônant magnifiquement au centre de la France. Cette région invite à respirer profondément et à rouler intensément. Une invitation à laquelle Gravillon a répondu allègrement en ce mois de mai 2019, lançant des rouleurs enthousiastes à l’assaut des terres du milieu pour un magnifique Limousine Tour.

Nous ne pouvions passer dans ces contrées limousines sans rendre hommage au glorieux « Poupou« . Saint-Léonard de Noblat n’a donc pas échappé à nos roues et Raymond Poulidor — dans sa déclinaison en bois trônant dans le village — a reçu les honneurs de notre peloton. Ces routes sinueuses, verdoyantes et escarpées ont forgé le tempérament de la légende française au détour des années 50 et sérieusement entamé l’ardeur du peloton Gravillon, certains vociférant en apercevant la route s’élever à la sortie d’un virage ou d’un pont surplombant un frais cours d’eau. À chaque descente avalée à pleine allure succède un dénivelé qui fait bondir le cœur de la poitrine. Une sensation d’oppression ascensionnelle qui n’est pas sans rappeler l’épisode auvergnat vécu par le groupe en 2016.

Plus à l’Est, nous connaissions l’existence d’un lac immense, venant se fondre dans un ensemble de Millevaches. Nous avons donc entamé, au deuxième jour de notre périple, le tour de ce Vassivière large et profond. Un parcours tantôt surplombant, tantôt traversant, sur lequel la trace de Raymond Poulidor vient à paraître de nouveau. Ce lac est une attraction locale qui voit les camping-cars s’accumuler en bord d’eau et les gargotes pousser sur le rivage. Une soudaine activité humaine qui tranche avec le calme ressenti dans la campagne reculée, à peine alertée par l’agitation de nos tours de manivelle. Un décor qui se distingue et se fait plus grandiloquent, presque américain. Les grands pins qui se dressent sur les collines environnantes toisent les arbres râblés des prairies de cette Creuse que nous avons traversée.

Ce pays est terre d’animaux. Les vaches, les moutons et les chevaux qui s’ébattent dans la nature sont les rares âmes que nous croisons chaque jour. Une terre d’abondance pour les carnivores qui apprécient la viande limousine ou l’agneau rosé. Une terre d’élection pour les passionnés d’équitation qui peuvent s’adonner au galop en toute liberté, loin des carrières poussiéreuses et des manèges étouffants des centres hippiques urbains.

Dans cette (Nouvelle) Aquitaine, nombreux sont les témoignages d’un passé qui a vu l’épée s’abattre sur l’armure et l’huile déferler par les mâchicoulis. Aliénor et Richard Cœur de Lion ont foulé ces terres et laissé leurs empreintes dans l’histoire locale. Autant de conquêtes et croisades dont nous sommes les héritiers. Juchés sur nos montures, nous attaquons le château de Châlus ou le Donjon de Château-Chervix que nous découvrons à l’horizon. Un chemin semé, encore aujourd’hui, de moultes embûches. Un sentier de guerre cycliste parsemé de raidillons, de côtes et de cols dont nous devons nous affranchir chargés de réserves de vivres, de lourdes gourdes d’eau, de cuirasses encombrantes et de casques qui pèsent à la tombée du jour.

Trois jours passés dans une nature vivifiante. Trois journées à composer avec les éléments glaçant les saints et avec les reliefs martyrisant les cuisses. Trois épisodes partagés par des amis dont la ramage est aussi généreux que le plumage. Dont le courage s’exprime tant au guidon et qu’au gorgeon. Avant que le soleil ne se couche sur cette aventure et ne referme ce Limousine Tour.