Foucauld Duchange est une fréquentation digitale — et amicale ! — de longue date de Gravillon. Repéré pour le propos cycliste décalé qu’il a tenu pendant plusieurs années sur La Conjuration, il s’est également illustré en accompagnant François Paoletti sur les tracés des Monuments du cyclisme, rapportant de ce « voyage sur les routes des grandes classiques » des récits empreints de boue et de bravoure.

Foucauld revient aujourd’hui pour partager un pèlerinage. Une périple accompli aux côtés du photographe Bertrand Trichet qui l’a mené D’une chapelle l’autre. Durant quelques jours, il a roulé à travers l’Europe pour éprouver sa foi et découvrir les trois chapelles qui célèbrent la passion cycliste. Parti des rives du lac de Come, en Italie, au-dessus duquel trône la Madonna del Ghisallo, il a franchi les Alpes pour rejoindre Notre-Dame-des-Cyclistes, dans les Landes, avant de s’affranchir des Pyrénées et de rejoindre Nuestra Señora de Dorleta, dans le Pays Basque espagnol.

Foucauld porte un regard éclairé sur la pratique cycliste et privilégie le plaisir — un péché ! — et l’accomplissement aux informations relevés sur son compteur. Il déambule parmi les maillots, cadres et divers vestiges de l’histoire cycliste. Il s’émeut du souvenir, de la sueur et du sang versé dans le peloton, bien davantage que du spectacle des oripeaux inertes présentés en vitrine. Au cours de ce voyage dénué de tentations, il s’affranchit du regard de la performance. Il suit son cours, pieusement, au rythme imposé par les panoramas, les dénivelés et les introspections.  

« En dînant tardivement dans une ruelle, je pense au message de Damien que j’ai reçu dans le train. Il vient d’abandonner une course de mille deux cents kilomètres à couvrir en moins de cent vingt heures, soit un minimum de deux cent cinquante bornes quotidiennes et un dénivelé du même acabit. Lors de ces défis désormais de mise ou même de virées individuelles, nous évoquions la frustration de ne pouvoir nous attarder au détour des places et profiter des étapes. Il semblerait que l’une des caractéristiques de notre époque soit la recherche, voire l’obsession de la performance, et ce jusque dans les loisirs. Deux cent cinquante kilomètres par jour, c’est un effort qui ne laisse pas beaucoup de place au reste. En solitaire, ce sont dix plombes de selle effectives, auxquelles il faut ajouter les pauses et les éventuels tracas. On est loin des trente-cinq heures ! Si le défi physique et personnel est formidable, il se gâte lorsqu’il devient la norme. La norme, ce n’est pas une histoire de discussions entre un groupe de personnes, mais d’image que l’on renvoie, entre autres à cause des réseaux sociaux. S’ils ont leur rôle, c’est nous qui décidons de leur devoir quelque chose, comme nous acceptons d’être redevables envers nos proches. Ainsi, à l’aube de franchir les Alpes, de travers mon pays à la force des mollets et de me farcir un demi-Tour de France, la comparaison entretenue par le débit des activités de mes confrères me donne le sentiment de ne rien faire que de très banal. Après tout, c’est vrai. C’est pour cela qu’il est important d’écrire ses propres histoires, de savoir tracer sa route à l’envie, pour la beauté du geste ou de l’initiative. »

 D’une chapelle l’autre, Foucauld Duchange & Bertrand Trichet, 2020

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